Et la vie s’en va comme une rose

 

(05/02/2013) "Aujourd’hui maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas. " Je referme le roman de Camus, L’Etranger, duquel je m’inspire pour commencer ma propre histoire. Aujourd’hui ma grand-mère est morte, aujourd’hui le 7 janvier 2013. Non, je ne m’amuserai pas à vous raconter l’accident qui a conduit à son décès ; je n’écrirai pas à propos de la voiture qui l’a frappée et l’a laissée une heure, saignante au bord de la route, sous la pluie, à 6 heures du matin.

Si vous et moi sommes aujourd’hui choqués par la manière et le nombre de décès suite aux accidents routiers, les routes se sont, quant à elles, habituées à assister à ces scènes tragiques qui se multiplient de jour en jour. Maintes sont les questions qui nous traversent l’esprit à chaque nouveau drame qui tombe, et nous voilà en train de rejeter la faute par ci et par là. C’est le feu vert, le feu rouge ou encore le feu jaune qui ne fonctionne pas. C’est l’alcool, la cigarette, le téléphone… C’est tout ce qui nous tombe sous la main mais ce n’est jamais une personne en particulier, jamais.

Révoltée par cette situation routière qui ne cesse de s’aggraver et par la passivité du monde qui s’habitue de plus en plus aux histoires de meurtre au volant, je décide de sillonner ces rues assassines à la recherche d’une réponse à de nombreuses questions. C’est là où je comprends finalement que c’est Pierre-Jean Vaillard, écrivain français, qui avait toujours raison : "S’il y a tant d’accidents sur les routes, c’est parce que nous avons des voitures de demain, conduites par des hommes d’aujourd’hui, sur des routes d’hier. " Je continue à rouler au bord de mon véhicule sur ces chemins d’enfer, tous noirs en deuils sur leurs victimes. Entre deux fossés évités et des instants interminables passés dans les embouteillages de la ville, j’essaie d’imaginer les adieux qui ont eu lieu aux bords de chaque route. "Fais attention en conduisant", lui disait sa mère. "Ne bois pas trop, tu as le chemin de retour à faire", lui conseillait son père. Lui, chaque individu s’étant sacrifié au nom de la vitesse et de l’imprudence. Et quoi de plus terrible que d’apprendre que la plupart des décédés suite aux accidents de voitures n’ont pas encore dépassé les 30 ans ! Des jeunes qui avaient tout à apprendre encore ; de jeunes architectes, hommes de lettres, médecins, metteurs en scène ou encore avocats sur qui le pays comptait en vue d’un avenir meilleur. Elle, n’a pas bouclé sa ceinture de sécurité par peur de laisser des traces sur sa belle robe toute neuve. Lui s’est pris pour Jack Sparrow au bord de son navire avec sa musique à fond pour mieux entrer dans l’ambiance. Eux viennent tout juste de quitter leur club branché après un bain d’alcool. Et cette pauvre dame qui rentrait se coucher après une longue journée, n’a pas fait attention en traversant la rue et s’est finalement retrouvée endormie plus tôt que prévu… à jamais.

Franchement dites-moi, comment ne pas être bouleversé par tous ces récits dramatiques, bien réels pourtant ! Comment ne pas penser à toutes ces mères, ces pères, ces frères, ces sœurs, ces amis ou même ces amoureux qui se retrouvent séparés subitement à cause d’un simple véhicule ! Aveuglés de vitesse et de bêtises (je suis bien gentille encore), nous faisons de nos routes des parcours à sens unique, des chemins d’aller sans retour. Et ces pauvres campagnes et associations ont beau tout faire, nous prévenir à longueur de journée ; comme si de rien n’était. Nous sommes assez matures pour réfléchir de nous même et pour creuser de nos propres mains notre futur terrier.

À l’aube ou à l’aurore, à midi ou à minuit, elle arrive juste à temps, nous déshabille de ce corps qui ne nous appartient plus, nous berce dans ses bras, bien heureuse de faire notre connaissance. Elle nous emmène loin, très loin de ce monde de vivants qui n’est plus le notre. Et ce n’est qu’à ce moment-là, emportés par Dame Mort, que nous revoyons cette phrase lue un jour par hasard, quelque part : "mieux vaut arriver vingt minutes en retard dans ce monde, que deux minutes en avance dans l’autre. "

À toi qui as été victime d’un de ces malades au volant, je te dédie mon article. Repose en paix ma belle Rose. 

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